Bon, il vient ce “monde d’après”​ ?

13 août 2020 / ParJuliette Raynaud

© Tim Etchells

On a tou·tes eu besoin de se “réinventer” un peu ces derniers mois. Pour beaucoup d’entreprises, la crise du Covid et le confinement ont aussi été l’occasion de prendre de la hauteur et d’enrichir leur stratégie. Beaucoup d’entre nous en ressortent avec un besoin de revenir à l’essentiel. Comment faire de ce grand chamboulement une occasion de déséquilibre majorant ? Que faire de cette responsabilité, à ce moment de notre histoire, alors que les fondements d’un système se mettent à trembler ?

Les nouvelles années 20 ?

La redéfinition de la place de l’Homme par rapport à la nature, la remise en cause d’une Histoire écrite par les seuls chasseurs, le questionnement sur la croissance et le profit à tout prix, le doute par rapport à un système de surproduction et de surconsommation dévastateur… Toutes les (r)évolutions que nous vivons, chacun.e à notre échelle ou en tant que société, ne sont pas anodines et impulsent un “monde d’après” déjà un peu là.

C’est aussi l’époque du “en même temps”, une forme de relativisme qui tenterait de ménager la chèvre et le chou. Mais tout n’est pas relatif. Je n’irai pas jusqu’à dire qu’il faut “choisir son camp” mais il est indispensable de repenser la manière dont on définit la performance d’une entreprise dans la perspective d’un développement durable : performance économique, performance environnementale et performance sociétale vont de pair.

Judith Butler avait posé cette question en 2012 : “Comment mener une vie bonne dans une société mauvaise ?”. La conscience de sa responsabilité — en tant qu’entreprise, communicant·e, citoyen·ne — pourrait être un bon cap.

Quand dire ce n’est pas forcément faire

82% des Français·es déclarent vouloir adopter une consommation citoyenne mais seulement 41% passeraient vraiment à l’action (étude Storymind — Janvier 2020, terrain Opinion Way). Encore faudrait-il définir ce qu’est une “consommation citoyenne” ; mais, ce n’est pas une surprise, nous constatons un décalage entre les déclarations et les actes, entre les envies et les craintes, entre les espoirs et les faits.

Ces contradictions compliquent un peu la tâche des communicants… Ou pas. Dans un très bon roman de Lucca di Fulvio, Les enfants de Venise, une des personnages dit : “quand la vie devient compliquée, ça veut dire qu’on se trompe quelque part”. Cette phrase résonne.

Et s’il suffisait, non pas d’aimer comme le chantait Céline, mais de rester authentique et fidèle à ses valeurs ? Si l’on essayait la sincérité, la simplicité, le langage clair ? Si l’on parlait à nos client·es comme à des gens et non comme à des portemonnaies ? Cela pourrait bien nous éviter le casse-tête qui consiste à essayer de deviner / imaginer ce dont les “consommateur·trices” auraient envie ?

Vers un marketing éthique voire poétique

La crise du Covid a été un accélérateur de prise de conscience pour beaucoup d’entre nous. Ces réflexions étaient déjà là mais elles se sont comme imposées. Je ne sais pas pour vous mais par exemple en ce qui me concerne, cela faisait un moment que je voulais m’engager auprès d’entreprises vraiment innovantes et les aider à construire une communication responsable, un discours de marque authentique sur la base de valeurs partagées… mais j’avais peur. Peur que cela ne suffise pas à un modèle économique pérenne, peur de ne pas réussir à me faire une place sur ce marché, peur de finalement retomber dans une communication “gadget”, creuse voire complètement dissonante et de devoir faire à nouveau face à cet écart entre ce qui est dit et ce qui est fait… Comment continuer à travailler pour des marques qui proclament mais n’y croient pas vraiment ?

La communication devient vraiment un levier d’impact positif quand elle devient elle-même responsable et non plus seulement relais des messages responsables. En tant que communicante, je suis convaincue de ma responsabilité. Je peux contribuer à bâtir un monde plus respectueux de l’environnement, plus inclusif, plus juste, en mettant mes idées et ma plume au service d’entreprises engagées.

Quand j’écris une tribune pour Sandra Legel sur l’entreprise contributive par exemple, je suis en accord avec sa vision et, comme le disait Boileau dans son Art Poétique, “ce qui se conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire vous viennent aisément”…

#Com4Good

Comme le dit Assaël Addary, “com for good is good for com”. Une communication responsable se doit d’être à l’écoute de toutes les parties prenantes, de constamment rechercher une sincérité des messages et de veiller à réduire son empreinte carbone en faisant mieux avec moins — de mails mais aussi de mots (frugalité, neutralité, clarté). Les bénéfices sociétaux sont immenses.

Pour moi, la responsabilité de l’entreprise n’est pas une opportunité de communication. Définir sa raison d’être n’est pas un passage obligé, on peut aussi juste vouloir faire de l’argent mais c’est une vision à court terme à laquelle je préfère l’ambition de faire une différence, à son échelle.

La prise de conscience s’accélère et de plus en plus d’entreprises prennent position, cherchent la transparence et la cohérence, veulent donner du sens à leur activité, réfléchissent à leurs valeurs et à comment les traduire en actes. Comme beaucoup d’entre nous finalement !

Maintenant, il s’agit de donner la parole aux colibris en action plutôt qu’aux papillons attirés par la lumière…

À propos de l'auteur

Juliette Raynaud

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